Définir un problème traitable et y apporter des éléments de réponse
Un problèmes traitable est une question suffisamment précise et explicite pour que l’on puisse travailler à la construction de solutions adaptées. Plusieurs problèmes peuvent émerger d’un groupe et, en fonction de la complexité de ceux-ci et du temps disponible, il sera possible de travailler sur l’un ou l’ensemble des sujets.
L’expression des enjeux et difficultés ressentis par les acteurs peut être facilitée par des entretiens individuels, effectués en amont des rencontres collectives.
La notion de problème traitable
Il s’agit de transformer les préoccupations exposées par les participants en des problèmes sur lesquels ils peuvent avoir une action directe et concrète, et qui sont conformes à leur position sur le sujet. En cela le problème devient traitable, c’est-à-dire que ceux qui l’expriment peuvent s’en emparer, ils ont une capacité d’action pour résoudre ce problème.
Exemple : passage d’un problème formulé par les élus « Comment dynamiser l’activité économique de notre communauté de commune tout en répondant aux demandes de proximité des consommateurs ? » (non traitable par les artisans alimentaires) à un problème qui concerne directement les artisans : « comment mettre en place un approvisionnement auprès des producteurs locaux ?» puis à un problème traitable : « quels sont les producteurs à 30 km de mon commerce avec lesquels je pourrais envisager de travailler ? ».
Travailler en sous-groupe ?
Il est souvent à privilégier pour cette phase de formulation des problèmes. Il sera précédé, en plénière, d’une explication du sujet, des grands enjeux repérés, afin que chacun puisse disposer dès le départ de la même base de connaissance. Deux options peuvent être retenues pour le choix concernant l’organisation de ces sous groupes.
- Le travail par groupe de pairs : acteurs ayant le même métier, le même type d’activité. Il faudra tenir compte des tendances, orientations, points de vue divergents qui peuvent s’exprimer au sein d’un même corps de métier, au-delà d’une « nécessité » d’aboutir à une parole commune de la profession.
- Le travail par positions stratégiques : regroupement d’acteurs qui ont à la fois :
• les mêmes types de relations avec les mêmes « autres » ou même « profil relationnel » (cf. analyse de réseau)
• des pratiques semblables par rapport au sujet considéré (ex. valorisation de races locales vs. utilisation de races communes ; relations directes avec les consommateurs vs. relations indirectes).
En savoir plus
Illustration : « Développement d’une filière blé dur biologique en circuit court »
Au Sud de la France, le manque de variétés de blé dur adaptées à l’agriculture biologique a conduit des producteurs et des transformateurs militants pour les uns, en recherche de diversification pour d’autres, à solliciter l’INRA de Montpellier pour obtenir de nouvelles variétés. Plutôt que de regrouper d’un côté les producteurs, aux intérêts très différents, et de l’autre les transformateurs, également très divers, de l’autre, l’animation par l’INRA a distingué différentes positions stratégiques au sein de l’ensemble des acteurs concernés, dont une autour d’une filière artisanale valorisant les produits locaux et les circuits courts et une autre engagée dans une filière semi-industrielle valorisant l’origine France dans les supermarchés. Des transformateurs inscrits dans les deux types de filières ont servi d’intermédiaires entre ces positions contrastées et aidé à la mutualisation des ressources en mettant en avant le problème traitable commun : sélectionner de nouvelles variétés.
Desclaux D., Chiffoleau Y., Nolot J. M. (2013). Du concept d’Ideotype à celui de Realtype : gestion dynamique des Innovations Variétales par une approche transdisciplinaire et partenariale. Exemple du blé dur pour l’AB. Innovations Agronomiques, 32 : 455-466.
Place et rôle de la fonction d’animation
Il est toujours difficile de distinguer la posture d’animateur – qui nécessite de la neutralité, de l’impartialité, et une attention/ouverture aux positions de chacun des enjeux que porte sa structure. D’autres configurations peuvent être envisagées.
L’animation externe
- Apporte de la « neutralité » face à des animateurs associés fortement aux positions de leurs structures
- Permet d’employer des méthodes d’animation différentes.
Co-animation et co-portage
Animer les réunions à deux voix, représentant des catégories d’acteurs distinctes, apporte une réelle plus-value à l’animation :
- Meilleure reformulation des dires, meilleure connaissance des secteurs d’activité
- Facilitation de la prise de note
- Premier pas vers un co-portage de l’action
Illustration : « Compte rendu de la rencontre autour du futur abattoir de Puceul »
La description de cette réunion montre bien le partenariat opérationnel qui s’établit dès le début de la démarche entre des animateurs et « leaders » des différents acteurs concernés par la démarche : Terroirs 44 pour les producteurs, la CGAD et la Coobof pour les artisans bouchers. Le fait que cette démarche soit co-portée permet d’en assurer la légitimité auprès de l’ensemble des acteurs qui seront impliqués.
Illustration : « Terres de Figeac – La Mêlée gourmande: Une politique alimentaire territoriale fondée sur une gouvernance multi-acteurs »
L’animation de cette démarche est partagée entre l’équipe du syndicat mixte du pays de Figeac et les animateurs (bénévoles) des 7 familles d’acteurs. Ils constituent l’équipe technique. Les enseignements de cette expérience montrent l’importance de ne pas personnifier le portage du projet mais bien d’afficher une équipe d’animation à l’image de la diversité des acteurs réunis. Par ailleurs, l’opportunité d’avoir un regard extérieur sur le processus d’animation permet, lorsque cela est possible, de progresser dans ses pratiques et de prendre du recul.
Consulter l’intégralité de l’expérience « Terres de Figeac »
Rôle de l’animation dans le choix de gouvernance des projets
Ce co-portage de la démarche pourra également se manifester dans les lieux de gouvernance des coopérations instaurées entre les acteurs. La mise en place d’un fonctionnement collégial, impliquant les différentes catégories d’acteurs concernées, sera un signe de coopération effective, puisque l’ensemble des décisions concernant le circuit de commercialisation pourront être débattues de façon collective.
Illustration : « Le clic des champs : groupement de producteurs, artisans et consommateurs »
L’administration de l’association « Le clic des champs » comporte deux collèges (producteurs / artisans et consommateurs / représentants associatifs). Dans ce cas il est intéressant d’observer que les producteurs et artisans sont associés dans le même collège. Clic des champs réfléchit en outre à une évolution vers un statut SCIC.
Illustration : « Ici.C.Local : une marque pour favoriser de nouvelles coopérations entre producteurs, revendeurs et artisans locaux »
Le comité de marché associé à cette expérience est constitué de trois collèges représentant les trois types de partenaires du marché : exposants (producteurs, revendeurs, artisans) / consommateurs / collectivité. Le système de gouvernance mis en place permet de responsabiliser chacun des acteurs et aboutit à une auto-régulation du groupe.
Illustration : « Démarche de circuits courts autour de l’abattoir de Bourgueil »
Dans cette expérience, le statut SCIC adopté par l’association qui a repris l’abattoir permet de structurer la coopération entre éleveurs et bouchers. A noter que chaque catégorie d’acteurs s’était au préalable constituée en association d’éleveurs d’un côté et de bouchers de l’autre. Souvent, ces deux étapes de structuration sont nécessaires.
Illustration : « Terres de Figeac – La Mêlée gourmande: Une politique alimentaire territoriale fondée sur une gouvernance multi-acteurs »
Au sein de cette initiative, le Conseil de gouvernance, qui a notamment pour mission de garantir la philosophie de la démarche et de valider les opérations collectives, se compose des représentants des 7 familles d’acteurs concernées par le projet politique alimentaire. Les familles ont été définies en amont de la construction du mode de gouvernance. Chaque famille s’appuie sur une charte et un cahier des charges.
Points de vigilance
- Le cœur de l’animation est basé sur la reformulation afin d’arriver à formuler des problèmes traitables. Attention à ne pas aller trop vite vers la recherche de solution. Transformer des plaintes en problèmes traitable est déjà un premier pas vers une recherche de solution.
- S’entraîner à la reformulation pour construire des problèmes traitables, ainsi qu’à la synthèse.
- La synthèse relève une place incontournable. Elle doit être fidèle aux échanges, éviter les généralités et être validée par les participants.
- Adopter un effet miroir : ce sont les gens eux-mêmes qui trouvent les divergences et les complémentarités, l’animateur doit, par cet effet miroir (traduction, reformulation, questionnement…), remettre les personnes à la fois au sein de leur individualité et comme partageant des convergences avec d’autres.
- L’animateur n’est pas positionné en tant qu’expert mais accompagne les participants à définir eux-mêmes leurs besoins communs, au regard de l’expression de leurs besoins individuels, et leurs objectifs
- L’animateur doit valoriser les métiers des uns et des autres, mettre en avant les complémentarités et les coopérations possibles. Il peut pour cela recourir à la présentation d’expériences réussies pour motiver les participants, leur montrer que le travail en commun est possible.
- L’animateur doit veiller à ne pas retomber dans un raisonnement par catégorie d’acteurs, supposant que chacune a des intérêts communs, ni privilégier ceux qui ont l’habitude de faire valoir leurs points de vue, même si la démarche serait plus facile en ce cas à court terme.
- L’animateur travaille sur l’humain : laisser le temps nécessaire à la maturation des projets, se montrer flexible… Mettre tout le monde autour de la table devient davantage le résultat que le moyen de construire la coopération.